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sensible aux épanchements de l’amitié, et que pourtant, même dans les moments les plus intimes, il restait encore lui-même et paraissait ne se livrer qu’à demi. La société de Zofingen ne put donc agir que très-peu sur son talent ; il l’aima, il travailla pour elle, mais il s’y tint toujours à l’écart, et n’y lut qu’un petit nombre de ses vers, ayant soin de choisir ceux dont le caractère était le moins particulier. Ce n’est point à dire qu’il n’ait rien reçu du milieu où il vivait ; non, il a partagé notre condition commune, qui est de recevoir toujours beaucoup plus que nous ne donnons ; mais ce qu’il a reçu, il se l’est approprié, il se l’est acquis, en le transformant selon sa nature. L’inspiration ne lui venait pas du dehors ; sa muse habitait au plus profond de son ame.

L’influence qu’il parait avoir ressentie le plus fortement est celle de la nature. Il devait en être ainsi : au bord de notre Léman le printemps est si doux, et l’automne, qui était sa saison favorite, a tant de charme et tant de mélancolie, que la nature pouvait être pour lui une véritable amie. Il lui confiait des souvenirs et lui demandait des espérances. Puis, chaque année, au retour de l’été, il s’armait de son bâton de voyage et du sac de l’étudiant, pour aller retremper son ame aux grandes scènes des Alpes, et devant ce ciel des hautes montagnes qui, pour être le plus beau, est aussi le plus triste. Il avait compris l’har-