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« Ici dorment tout près les morts au cimetière ;
Ma mère aussi ; car Dieu m’a tout pris sur la terre.
Sous ce chêne, là-bas, que j’ai versé de pleurs !
Mais Dieu n’entendra plus le cri de mes douleurs. »

— « Prions ! dit l’autre, qui s’incline
En signant sa large poitrine.
Prions ; sous la croix du coteau,
Ami, si tu fais ta prière,
Aux cieux tu reverras ta mère :
Les anges naissent au tombeau. »

— « Ah ! non, répondit l’autre en essuyant ses larmes,
La prière au cercueil est sans effet, sans charmes !
Dieu ne nous entend pas, te dis-je, et je crois fort
Que des plombs du cercueil ne revient pas un mort.

« Hohé ! c’est le hasard lui-même
Qui nous unit à ceux qu’on aime,
Puisqu’ils nous laissent en chemin.
Plus de pleurs, plus de triste veille ;
Hohé ! vidons cette bouteille
Pour noyer encor ce chagrin. »

Le pauvre voyageur buvait, buvait encore.
La croix sur le tombeau déjà se décolore.