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Lorsque les surfaces sont mattes, les points brillans ont beaucoup moins d’éclat, et ils occupent une partie plus grande de la surface.

Pour chaque surface, la position du point brillant est déterminée par la condition suivante : que le rayon de lumière incident, et le rayon réfléchi dirigé à l’œil du spectateur, soient dans un même plan perpendiculaire au plan tangent en ce point, et fassent avec ce plan des angles égaux, parce que le point brillant de la surface fait fonction de miroir, et renvoie à l’œil une partie de l’image de l’objet lumineux. La détermination de ce point exige une extrême précision ; et quand même le dessin seroit de la plus grande correction, quand même les contours apparens seroient tracés avec une exactitude mathématique, la moindre erreur commise dans la position du point brillant en apporteroit de très-grandes dans l’apparence des formes. Nous n’en apporterons qu’une seule preuve, mais bien frappante.

La surface du globe de l’œil est polie ; elle est de plus enduite d’une légère couche d’humidité qui en rend le poli plus parfait : aussi lorsqu’on observe un œil ouvert, on voit sur sa surface un point brillant d’un grand éclat, d’une très-petite étendue, et dont la position dépend de celles de l’objet éclairant et de l’observateur. Si la surface de l’œil étoit parfaitement sphérique, l’œil pourroit tourner autour de son axe vertical, sans que la position du point brillant éprouvât le moindre changement : mais cette surface est alongée dans le sens de l’axe de la vision ; et lorsqu’elle tourne autour de l’axe vertical, la position du point brillant change. Un long exercice nous ayant rendus très-sensibles à ce changement, il entre pour beaucoup dans le jugement que nous portons sur la direction du globe de l’œil. C’est principalement par la différence des positions des points brillans sur les globes des deux yeux d’une personne, que nous jugeons si elle louche ou si elle ne louche pas ; que nous reconnoissons qu’elle nous regarde, et, lorsqu’elle ne nous regarde pas, de quel côté elle porte la vue.

En rapportant cet exemple, nous ne prétendons pas que dans un tableau il faille déterminer géométriquement la position du point brillant sur le globe de l’œil ; nous avons seulement l’intention de faire voir comment de légères erreurs dans la position de ce point en apportent de considérables dans la forme apparente de l’objet, quoique d’ailleurs le tracé de son contour apparent reste le même.