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la durée de l’édifice. Ainsi la décomposition d’une voûte en voussoirs exige donc absolument la considération des plans tangens et des normales à la surface courbe de la voûte.

25. Passons à un autre exemple pris dans un genre qui, au premier coup-d’œil, ne paroît pas susceptible d’une aussi grande sévérité.

On a coutume de regarder la peinture comme composée de deux parties distinctes. L’une est l’art proprement dit : elle a pour objet d’exciter dans le spectateur une émotion déterminée, de faire naître en lui un sentiment donné, ou de le mettre dans la situation qui le disposera le mieux à recevoir une certaine impression ; elle suppose dans l’artiste une grande habitude de la philosophie ; elle exige de sa part les connoissances les plus exactes sur la nature des choses, sur la manière dont elles agissent sur nous, et sur les signes, même involontaires, par lesquels cette action se manifeste ; elle ne peut être que le résultat d’une éducation très-distinguée, que l’on ne donne à personne, et que nous sommes bien éloignés de donner à nos jeunes artistes ; elle n’est soumise à aucune règle générale ; elle ne supporte que des conseils.

L’autre partie de la peinture en est, à proprement parler, le métier : son but est l’exécution exacte des conceptions de la première. Ici rien n’est arbitraire ; tout peut être prévu par un raisonnement rigoureux, parce que tout est le résultat nécessaire d’objets convenus et de circonstances données. Lorsqu’un objet est déterminé de forme et de position ; lorsqu’on connoît la nature, le nombre et la position de tous les corps qui peuvent l’éclairer, soit par une lumière directe, soit par des rayons réfléchis ; lorsque la position de l’œil du spectateur est fixe ; lorsqu’enfin toutes les circonstances qui peuvent influer sur la vision sont bien établies et connues, la teinte de chacun des points de la surface visible de cet objet est absolument déterminée. Tout ce qui a rapport à la couleur de cette teinte et à son éclat dépend de la position du plan tangent en ce point à l’égard des corps éclairans et de l’œil du spectateur ; elle peut être trouvée par le seul raisonnement ; et lorsqu’elle est ainsi déterminée, elle doit être appliquée avec exactitude. Tout affoiblissement, toute exagération, changeroient les apparences, altéreroient les formes et produiroient un autre effet que celui qu’attend l’artiste.

Je sais bien que la rapidité de l’exécution, qui est souvent néces-