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CŒUR MAGNANIME

de la jeune malade de ce monde qu’elle devait si tôt quitter lui répondait d’un ton grave et détaché : — « Oui, c’est bien beau, petite sœur ; mais ce n’est que la terre ! La vraie beauté, comme le vrai bonheur, n’est point d’ici-bas, elle est du ciel où vous allez et où nous vous rejoindrons un jour. »

C’était le sujet de leurs derniers entretiens. Un jour de mars, sans agonie, sans secousse, sans souffrances, semblable à l’enfant qui paisiblement s’endort sur le sein maternel, Odile s’éteignit sur le cœur d’Anne-Marie.

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Le vide peu à peu se faisait autour de la jeune fille. Elle voyait partir tous ceux qu’elle aimait et auprès desquels elle puisait ses plus douces joies. Son père et sa mère la quittèrent à leur tour… Les pieux époux, qui durant leur vie avaient été si étroitement unis, eurent le rare privilège de franchir presque ensemble le seuil de l’éternité.

Un matin, les nombreux protégés du bon Docteur Solier attendirent en vain leur généreux bienfaiteur. Le doux vieillard était rentré la veille plus las que de coutume ; c’est que le nombre des indigents, qui sollicitaient son dévoûment, augmentait sans refroidir pourtant le zèle du pieux Samaritain. La journée avait été bien fatigante pour ses soixante-treize ans : pour la première fois il l’avoua. Avant de prendre le repos, que ses membres brisés réclamaient, il voulut, comme à l’ordinaire, présider à la prière que dans cette chrétienne de-