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CŒUR MAGNANIME

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Lorsque Anne-Marie eut achevé la triste lecture — et elle fut longue, car, à chaque ligne, des larmes embrumaient ses yeux — son premier mouvement fut de se jeter à genoux pour recommander à Dieu l’âme de celui qu’elle avait tant aimé. Elle demeura longtemps dans cette attitude suppliante… Quand elle se releva, elle ne pleurait plus. Son sacrifice, à elle aussi, était accompli et elle venait de l’édifier sur les ruines mêmes de son propre bonheur…

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Quand, le cœur tout rempli d’un joyeux espoir, Michel Girard arriva le soir chez ses amis, il fut bien surpris de les trouver en pleurs.

Anne-Marie vint au-devant de lui et, l’entraînant dans une pièce voisine, après lui avoir appris la cause de cette brusque désolation, elle lui dit, d’une voix grave et douce : — « Mon ami, nous avions fait un beau rêve, hélas ! nous devons y renoncer. Si j’écoutais mon cœur je mettrais à l’instant ma main dans la vôtre : il m’aurait été si doux d’accomplir avec vous mon terrestre pèlerinage ; mais il est des êtres en ce monde qui semblent n’avoir point d’autre mission que celle de se sacrifier sans cesse pour le bonheur de leurs semblables. Telle est ma destinée ! je ne cherche point à m’y soustraire, puisqu’elle est marquée par Dieu. Il me faut