la tempête était apaisée ; la miséricorde venait de vaincre l’humaine faiblesse. « Pauvre Rodrigue — dit-elle — oui, je te crois bien malheureux et sans rancune, je te pardonne ! »
Le soir de ce jour, où elle avait tant pleuré et tant souffert, elle écrivait à celui, qui était l’unique cause de ses larmes et de sa souffrance, la touchante lettre suivante, où à chaque ligne débordent le plus admirable désintéressement et le plus généreux pardon.
Je te rends ta parole. Depuis longtemps je pressentais ce qui arrive à cette heure. Cette intuition, toute pénible qu’elle était, a cependant contribué à amortir le choc douloureux : mon cœur était préparé pour l’épreuve. Ne pensons plus que nous avions rêvé de marcher la main dans la main : ceci c’est le passé ! il est de notre devoir de l’ensevelir dans un volontaire oubli. Oui, oublions que nous nous sommes aimés, il le faut pour que l’un et l’autre nous remplissions mieux notre tâche en ce monde. Tu te dois à présent uniquement à celle qui bientôt va devenir ta femme : ton cœur doit aller à elle tout entier, sans retour et sans regrets… Il n’existera désormais entre nous que les liens d’une fraternelle affection. Je redeviens la « grande sœur » de jadis. Ce titre, je veux le conserver puisqu’il me rattache encore à toi ; uses-en sans craindre d’épuiser jamais mon dévouement pour toi.
Je t’envoie la bénédiction et le consentement de nos chers parents. Quant à leur pardon, je ne l’ai pas même demandé : on agit ainsi envers un coupable et