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CŒUR MAGNANIME

cependant que vous êtes une âme virile, profondément chrétienne, c’est ce qui m’enhardit, en vous annonçant cette fâcheuse rupture, à aller droit au but.

Votre frère adoptif s’est épris de Mademoiselle Odile Muller, la fille de ses hôtes et désire l’épouser. Oubliant qu’il n’avait plus droit de disposer de sa destinée puisqu’il s’était engagé à l’unir à la vôtre, il s’est promis à cette jeune fille et celle-ci, ignorant que son ami était déjà lié par un serment, a répondu à son amour et lui a donné tout son cœur et sa foi.

Connaissant assez le tempérament ardent de Rodrigue. je m’étais fait un devoir d’avertir mon ami, dès le début, du danger de cette nouvelle liaison et l’avais conseillé d’abandonner ses relations avec les Muller ; mais lui ne voyait là qu’une simple camaraderie.

La jeunesse joue trop facilement avec son cœur et ce sentiment si délicat et tant souvent profané qu’on appelle l’amour ; cette insouciante légèreté est la cause de nombreux regrets, de déceptions amères sans compter les existences qu’elle brise à jamais…

Rodrigue reconnaît à présent son imprudence ; mais, hélas ! il est trop tard pour reculer : il m’a avoué qu’il s’est solennellement fiancé à Mademoiselle Muller !

Il se sent très gravement coupable envers vous ; de là le motif de son silence. Il sollicite son pardon et ce pardon il l’implore de vos excellents parents qui l’ont aimé à l’égal de leur propre enfant, de vous, plus encore, qui méritiez si peu une telle ingratitude.

Il m’en coûte de prononcer ce mot pour qualifier la conduite de mon ami à votre égard, et pourtant l’expression ne semble pas trop sévère quand on songe qu’il a pu oublier une créature aussi pure, aussi bonne, aussi