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CŒUR MAGNANIME

Mes braves Alsaciens ont insisté pour que j’achève à la villa les quelques jours qui me restent à vivre auprès d’eux. Ils attendaient pour s’y rendre à leur tour l’arrivée de leur fillette, laquelle a passé les premières semaines de ses vacances au pays natal de ses parents.

Je ne demandais pas mieux que d’échanger un peu l’asphalte des trottoirs et l’horizon borné de la ville pour le terrain gazonné et le vaste espace de la campagne… C’est le lendemain de mon arrivée à la Varenne que j’ai vu enfin la fille de mes amphitryons.

C’était un peu avant dîner, je fumais mon cigare en me promenant dans les champs qui entourent la villa ; dans un enclos voisin j’aperçois une jeune fille qui, perchée sur un arbre, mordait à belles dents dans de fort belles pêches ; lorsqu’en voulant gagner une branche un peu plus haute le pied lui manque… j’accours, pour la secourir, je n’arrive pas à temps cependant pour lui épargner une chute, heureusement sans fâcheuses conséquences grâce à un épais gazon qui reçoit l’imprudente ; je ne puis que l’aider à se relever. En me voyant elle rougit un peu, puis, retrouvant son assurance, elle me dit en riant, tandis que je lui présentais la main pour la remettre sur pied :

« J’aime mieux que vous m’aidiez à ramasser ma cueillette, car le pire de la situation serait l’arrivée du propriétaire… »

Comme je la regardais étonné.

« Eh ! oui, reprit-elle, ce sont des pêches de maraude. Nous en avons d’aussi belles chez nous ; mais, que voulez-vous ? ajouta-t-elle, avec un malicieux sourire, en véritable fille d’Ève, j’ai une prédilection marquée pour le fruit défendu, avouez qu’il a une saveur toute particulière… »