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CŒUR MAGNANIME

comtois ; il est la « Gravité » même, un peu lent dans ses gestes, très réfléchi ; ses camarades l’ont malicieusement surnommé à cause de son calme : père Tranquille. C’est le plus édifiant de tous et celui vers lequel je me sens davantage attiré. Je ne sais si je me trompe, mais il ne me paraît pas dans sa sphère ; je ne serais pas étonné que ce futur médecin des corps se transforme un jour en médecin des âmes… cette sainte vocation s’accorderait mieux avec son caractère presque austère, ce qui ne l’empêche pas d’être d’une amabilité inlassable. Son ami est son véritable antipode… c’est un méridional, un marseillais, c’est tout dire…

Je dois te dire qu’en France, suivant les provinces, tout diffère comme accent, comme coutumes et même comme types. Mon franc-comtois est blond, grand, élancé, un peu pâle et très posé dans ses allures. Mon méridional, lui, est tout en « gesticulades » ; vif comme la poudre, brun comme un Maure avec des yeux noirs pétillants de malice. Sa physionomie est agréable ; son âme et son cœur remplis de générosité. C’est le boute en train de la bande ; aux heures d’études il est un des plus sérieux. Sa famille étant très aisée lui fait une pension, dont le revenu de chaque mois suffirait à beaucoup d’autres pour l’année entière. Malgré les largesses des siens sa bourse est toujours vide, sa charité absorbe tout ; aussi a-t-il les prédilections des protégés de la conférence de la Saint Vincent de Paul, et pour cause…

Mes deux autres nouveaux amis sont de l’Auvergne, ce sont deux frères, leur père est professeur à l’Université de Clermont, ils sont fort distingués ; comme ils ne se séparent jamais, Figuière, le marseillais, les