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CŒUR MAGNANIME

Je me porte comme le Pont-Neuf, sur lequel justement je passais hier. Je commence à me familiariser avec la grande cité. Je fais quelques promenades aux Champs-Elysées et au Luxembourg ; je revis là un peu de ma petite enfance ! je me souviens, confusément sans doute, que ma pauvre mère m’y conduisait souvent ; en regardant ces gracieux bambins, qui évoluent dans les allées ombreuses de ces vastes jardins, je me revois, mignon baby de trois ou quatre ans, courant joyeusement dans ces mêmes avenues. Il n’est pas jusqu’au fameux théâtre enfantin de Guignol et la petite « voiture aux chèvres » qui ne réveillent en mon esprit tout un cortège de souvenirs, se rattachant à ce lointain passé.

Je dirige souvent mes pas vers les quais de la Seine, un intérêt tout spécial m’y attire ; imagine-toi que le long des parapets, des bouquinistes installent chaque jour leurs petites librairies portatives ; je me plais, comme tant d’autres, à fureter dans leurs casiers, où l’on fait parfois de véritables trouvailles. J’ai été, pour la modique somme de un franc, l’heureux acquéreur d’un Plutarque, lequel fraternisait, dans le même rayon avec un recueil de recettes culinaires : ironique voisinage ! Le chef-d’œuvre antique avait dû être apporté là par un étudiant en dèche… la gent écolière alimente passablement le petit commerce des libraires en plein air ; dame ! on se procure de l’argent comme on peut…

Les rives de la Seine n’ont pas la majestueuse beauté des bords de notre Saint-Laurent, elles ont néanmoins, surtout passé Paris, leur charme propre, très pittoresque, je t’assure.

Les environs de la capitale sont jolis, les forêts y