Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/40

Cette page a été validée par deux contributeurs.
42
CŒUR MAGNANIME

de son inexpérience et de sa naïve crédulité, de se déflorer, elle perd, à la longue, ce charme sans égal qui se dégage de sa candeur. Je ne pouvais m’empêcher d’établir un parallèle entre ton esprit sérieux, ta prudence si digne et la futilité et le sans gêne de mes compagnes de passage. Je suis fier de toi, ma jolie, et bénis Dieu de m’avoir réservé un tel trésor pour partager et embellir ma vie.

Ces jeunes filles n’étaient nullement incommodées par le terrible « roulis », aussi se prêtaient-elles très volontiers aux douceurs du « flirt ». J’avais le cœur trop plein de toi et trop ému de notre récente séparation pour leur porter la moindre attention ; mon indifférence à leur égard se trouvait largement compensée par les hommages empressés d’une pléiade de Don Juans, américains comme elles, qui les escortaient assidûment. Peut-être continuent-ils encore auprès des jeunes misses leur rôle de chevaliers servants…

Selon l’usage, et suivant les sympathies, dès le début de la traversée, des petits groupes s’étaient formés parmi les passagers. Le mien se composait d’un tout jeune missionnaire, atteint de l’impardonnable phtisie, et qui s’en retournait au pays natal pour tenter de refaire ses forces épuisées. Il était rempli d’illusions, malgré l’approche de la mort, qui marquait déjà sa triste empreinte sur son pâle et doux visage ; je me suis bien gardé de les détruire. Il était le plus gai de notre petit cercle : sans doute puisait-il cette humeur égale et sereine dans ce calme repos que goûte une conscience sans remords et une âme qui, comme la sienne, vit plus près du ciel que de la terre.

Un étudiant de Baltimore, très sérieux et fort intel-