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CŒUR MAGNANIME

Anne-Marie se jeta dans les bras que lui ouvrait Rodrigue. Les jeunes gens avaient peine à s’arracher à leur mutuelle étreinte. Soudain le jeune homme écarta doucement de lui la jeune fille, longuement il contempla son délicieux visage, comme s’il eût mieux voulu le graver dans son souvenir, de nouveau il baisa son beau front virginal, puis, brusquement, sans se détourner, il se sépara du groupe tant aimé, descendit en hâte les marches du perron, au bas duquel un coupé l’attendait — il avait manifesté le désir de partir seul — malgré lui il se tourna vers la chère demeure où il avait été si heureux et si aimé, et ses regards rencontrèrent une fois encore celle qu’il chérissait plus que sa propre vie, et qui se redonnait à lui tout entière dans un dernier baiser qu’elle lui envoyait du bout de ses doigts effilés.

Quand la voiture se perdit dans le lointain de l’Allée, Anne-Marie, dominée par un douloureux pressentiment sentit ses forces l’abandonner ; elle monta dans sa chambre. Grande Amie, unique confidente de son seul amour, l’y avait devancée. Dans un geste de lassitude la jeune fille appuya son front brûlant sur l’épaule de l’institutrice et lui dit, dans un sanglot : « J’ai peur, Grande Amie, j’ai peur ; s’il n’allait pas revenir ! »

La jeune Bretonne trouva dans son cœur de douces et réconfortantes paroles pour consoler la pauvre petite désolée et lui rendit un peu de courage ; mais semblant évoquer un pénible souvenir elle murmura si bas qu’Anne-Marie ne l’entendit pas : « Peut-être, mon Dieu qu’ils ne sont pas tous infidèles ! »

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