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CŒUR MAGNANIME

sive amitié de naguère et qui déconcertait Rodrigue Il conçut un soupçon : peut-être qu’elle en aimait un autre ?

S’il avait pu voir l’ombre douloureuse qui traversait le regard d’Anne-Marie, lorsqu’il lui paraissait plus attentionné envers quelque jeune fille, il n’aurait plus douté que ce même amour, qu’il n’osait avouer et qui lui causait un continuel tourment, ulcérait sans cesse le cœur de celle qu’il aimait en secret.

Un jour que la jeune fille lui parut plus aimable que de coutume auprès d’un de ses amis, il n’y tint plus…

— C’est lui qu’elle aime — pensa-t-il ? et le soir feignant un ton un peu badin, il dit à sa sœur adoptive :

— « Je crois que mon ami Girard a le don de te plaire ? »

Anne-Marie, ignorant quel motif portait Rodrigue à la questionner ainsi, répondit simplement :

— « En effet, Michel Girard me plaît beaucoup, il est si bon et si sérieux ».

Le jeune homme blêmit, la jalousie le mordit au cœur ; faisant un effort pour se ressaisir, il reprit sur le même ton :

« Alors tu l’aimes ? »

— J’ai une sincère amitié pour lui, mais c’est tout. »

Elle fut surprise de l’éclair joyeux qui illumina soudain le visage de son frère, longtemps elle en demeura pensive, néanmoins elle persista dans sa prudente réserve envers lui.

Un événement allait bientôt dévoiler à tous deux leur mutuel amour…

Monsieur Solier avait résolu d’envoyer Rodrigue à Paris, l’espace de quelques années, pour lui permettre