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CŒUR MAGNANIME

les doux noms de « papa » et « maman ». N’était-ce pas ainsi que « petite sœur » les nommait : il devait donc dire comme elle. Peut-être aurait-il fini par se convaincre qu’il n’en avait jamais eu d’autres, si ses parents adoptifs ne lui eussent parlé de temps en temps, afin qu’il en conservât le pieux souvenir, de ceux qui les premiers l’avaient aimé et auxquels, après Dieu, il devait la vie.

Tous les amis et serviteurs de la maison enveloppèrent dans la même affection la petite fille qu’ils avaient vu naître et l’enfant recueilli. La bonne Léocadie, selon la recommandation d’Anne-Marie, se mit à aimer tout de bon l’orphelin, elle fut tout étonnée de constater combien « ça allait tout seul », et, lorsqu’elle serrait dans ses vieux bras les deux ravissants babys, elle sentait que dans sa tendre effusion son bon cœur se donnait également à chacun sans effort.

Rodrigue, lui aussi, fut confié pour son éducation première aux soins de « Mademoiselle ». Celle-ci partagea désormais son dévouaient et sa tendre affection entre les deux enfants. Elle aimait Rodrigue autant que sa chère petite élève. Elle trouvait entre elle et lui tant de similitudes ! n’étaient-ils pas de la même patrie et orphelins tous deux ?

Rodrigue possédait une vive intelligence, il connaissait déjà ses lettres et en peu de temps son petit savoir fut à l’unisson de celui d’Anne-Marie. Il savait ses prières, qu’il récitait dans le gracieux idiome de sa pauvre mère. Nul doute qu’il les avait apprises sur ses genoux. En fervente chrétienne la jeune Andalouse avait dû guetter les premiers bégaiements de son fils pour lui apprendre à prononcer le nom de ce Jésus qui,