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À UN PETIT OISEAU


Ah ! je comprends. Là-bas, sur les verts arbrisseaux,
Qu’un autre aille chercher où reposer son aile ;
Qu’il fasse de sa voix résonner les côteaux.
La tienne en ce lieu trouve objet plus digne d’elle.

Tu dédaignes des bois le charme séducteur :
Chanter la fleur des champs, le lis de la vallée.
Voilà pour ton partage ! Heureux petit chanteur,
Elle est assez belle, la Fleur Immaculée.

Sais-tu pourquoi ton chant à mon cœur est si doux ;
À tout autre pourquoi mon âme le préfère ?
Pourquoi de ton destin je suis presque jaloux ?
C’est que, bien mieux que moi, tu sais chanter ma mère.

Oh ! pourquoi, comme toi, ne puis-je jour et nuit.
Moduler, reposer près de ma mère aimée ?
Près d’elle il fait si bon dormir content, sans bruit,
S’éveiller en chantant avec l’aube embaumée !

Chante, petit oiseau ; du moins à t’écouter
Je ne puis me lasser. De quelle joie intime
Tu pénètres mon cœur ! Pour qui sait la goûter.
Au sentier du labeur comme ta voix anime !

Je dois chanter ma mère aussi, mais autrement,
Mais de pleurs, de sueurs en arrosant ma route.
Oh ! reste près de moi ! Tu chantes si gaiement !
Le travail pèse moins alors que je t’écoute.

Dieu te fit pour chanter, il me fit pour souffrir.
Nos deux rôles sont beaux. Au tien toujours fidèle,
Tu chantes. Moi, hélas ! je ne sais que faiblir.
Ah ! que ta voix du moins au devoir me rappelle !

Mais quel triste penser assombrit mon esprit !
Quoi ! mon front s’est couvert d’un voile de tristesse.
Pauvre petit ! Le temps est proche où dans ton cri
Tout passant pourra lire une grande détresse.