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UNE ÂME DE PRÊTRE

V


Sur les instances de ses ouailles, l’abbé Montmoret, comme nous l’avons vu, s’était rendu à l’institut Pasteur de Paris. L’illustre fondateur avait voulu lui-même soigner l’héroïque malade ; le cas était d’ailleurs des plus graves : dans la lutte l’animal avait mordu à plusieurs reprises son courageux adversaire, inoculant à chaque morsure son virus mortel ; néanmoins l’exceptionnelle constitution de l’Abbé Montmoret et les soins intelligents et dévoués de l’éminent praticien firent entrevoir une heureuse issue.

Un matin, tout joyeux, Pasteur annonçait à son cher patient que la guérison était à présent une certitude ; « Plus que quelques semaines de repos, ajoutait l’homme de l’art, et vous serez sauvé. »

— Docteur, répondit le malade, il faut qu’aujourd’hui même je sois à mon poste.

— Mais c’est impossible, répliqua Pasteur, votre imprudence risquerait de neutraliser les heureux effets du traitement, attendez qu’il s’achève ; peut-être est-ce pour vous une question de vie ou de mort !

— Le motif qui me pousse à retourner dans ma paroisse est plus grave encore, car il s’agit des âmes. J’ai dans mon petit troupeau deux brebis rebelles ; peut-être qu’à cette heure elles sont disposées à rentrer à la bergerie, si je laissais passer ce temps de grâce et de misé-