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UNE ÂME DE PRÊTRE

cles puissants du sergent Montmoret en imposaient au régiment. Le vaincu n’avait pas d’autre ressource que celle de s’exécuter ; il le fit la rage dans le cœur ; à partir de ce jour, le petit breton put prier à son aise : il avait un protecteur ; en retour le généreux sergent s’était fait un ennemi.

On juge avec quelle exaspération Figarol avait accueilli la nouvelle de la nomination de l’ex-sergent Montmoret à la cure de Moustiers ; la vue de l’Abbé évoquait à chaque fois le souvenir de l’affligeante humiliation et attisait sa sourde rancune. Pour soulager sa bile il ne manquait pas, toutes les fois qu’il le rencontrait — ce qui se produisait souvent car l’auberge et le presbytère se faisaient vis-à-vis — de vomir à la face du prêtre un flot d’injures, auxquelles celui-ci ne répondait que par un regard de douce pitié.

La seconde brebis réfractaire était Rampal, le garde champêtre du pays et l’ami « intime » de l’aubergiste.

Rampal, néanmoins, ne se tenait à l’écart du prêtre uniquement que pour se calquer sur Figarol, qui incarnait à ses yeux le « savoir » et le « progrès ». Dans son « for intérieur » il s’avouait que ce curé aux allures si franches, à la soutane râpée, paternel soutien des veuves et des orphelins du pays, bienfaiteur inépuisable des miséreux, et qui, à l’exemple de son divin Maître, « passait en faisant le bien », était tout de même un bon zigue. »

Cette muette sympathie à l’égard de l’excellent prêtre était partagé par le petit Rémi, l’unique enfant de l’irascible aubergiste. Figarol adorait son fils ; en lui il retrouvait les traits charmants de sa défunte femme, qu’il avait passionnément aimée, bien que — selon l’expression du bonhomme — elle avait été, elle aussi, une