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CŒUR MAGNANIME

communiqua à tous les passagers. L’unanime compassion se reporta tout entière sur le pauvre orphelin. L’enfant, sans se douter du malheur qui le frappait, dormait encore dans sa petite couchette d’entrepont du paisible et doux sommeil de l’innocence.

Les plus émus étaient Monsieur et Madame Solier. Les deux époux échangèrent un long et significatif regard ; puis on vit disparaître le brave docteur, qui reparut presque aussitôt portant dans ses bras le pauvret toujours endormi.

— « Tiens, le voici ! dit-il à sa compatissante compagne — il nous manquait un fils, peut-être qu’aujourd’hui la Providence nous le donne dans cet enfant devenu si subitement orphelin ; gardons-le, si nul ne le réclame, il sera le frère de notre petite Anne-Marie. »

Le capitaine fournit quelques renseignements, les seuls qu’il savait, sur les parents du petit. Le père, âgé de vingt-neuf ans, était né en France, à Sanary, dans le département du Var, et s’appelait Albert Delanglade. Sa mère était native d’Alméria (Espagne) et se nommait Carmencita Gonzalès, elle venait d’entrer dans sa vingt-cinquième année. L’enfant avait quatre ans à peine et répondait au nom de Rodrigue.

On apprit encore d’un passager des « troisièmes », avec lequel l’intéressant couple avait quelquefois causé au début du voyage, qu’ils étaient sans parents, habitaient récemment Paris, et qu’ils se rendaient au caprice du hasard dans la Colombie espagnole pour tenter de refaire une partie de leur fortune, qu’ils avaient totalement perdue, et en très peu de temps, dans des spéculations malheureuses, où des gens sans conscience les avaient engagés afin de les exploiter à leur profit.