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LA RANÇON

guée — ne pries-tu pas, depuis longtemps, avec une courageuse persévérance ?

— Oui, seulement pour triompher de la triste passion, qui efface de jour en jour dans l’âme de mon père les sentiments chrétiens de son enfance et de sa jeunesse et le ravale au rang des êtres sans raison, la prière seule ne suffit pas, il faut y joindre le sacrifice ; alors…

Elle s’arrêta hésitante.

— Alors ? — insista sa maternelle amie, subitement inquiète.

— Marie-Louise approcha ses lèvres de l’oreille de sœur Thérèse et lui confia tout bas ce qu’elle aurait tant voulu garder secret. Celle-ci tressaillit. « Oh, ma fille » s’écria-t-elle dans un accent de douloureux reproche — qu’as-tu fait ? non, le bon Dieu n’en demande pas autant.

— Laissons-le faire — interrompit doucement la pieuse enfant. — Ayant dit ces mots, elle tendit son front au baiser de sa chère confidente, afin de prendre congé d’elle.

— Tu me quittes déjà, Marie-Louise ?

— Eh oui, ma sœur, bien à regret, je vous assure ; car, après les heureux moments que je passe en l’intimité du bon Dieu, je n’en goûte point de meilleurs que ceux que je vis ici, en votre aimante compagnie ; mais aujourd’hui c’est le jour de « paye » et vous savez que c’est en même temps un jour de tentation pour mon père ; de plus c’est son anniversaire, aussi lui ai-je préparé, pour la circonstance, une petite surprise et j’ai même ajouté un petit « extra » au menu d’habitude. Pensez s’il va être content !

Pour ces raisons je veux tâcher de le rencontrer à la sortie avant que les camarades ne l’entraînent au bar.