Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/140

Cette page a été validée par deux contributeurs.
142
UNE ŒUVRE D’ARTISTE

II


Batistin Giranci, le vieux potier de la Bourine, était célibataire, néanmoins il avait eu, lui aussi, au temps de sa jeunesse, son petit roman d’amour. Il avait aimé une jeune et jolie fille du pays à laquelle il n’était pas indifférent ; malheureusement il ignorait que son amour fut partagé. Comme il était gauche et craintif, il n’osait pas se déclarer, celle-ci avait pris le silence du jeune homme pour du dédain. Quand enfin le timide amoureux avoua sa flamme, il était trop tard ! il avait été devancé.

Batistin était de ceux qui n’oublient pas en un jour. Il vécut seul en face de son rêve déçu. Lorsque la douloureuse plaie fut complètement fermée, il était à un âge où le cœur ne vibre plus à la voix enchanteresse de l’amour. Il demeura vieux garçon…

Son métier de potier était un gagne-petit ; mais Batistin Giraud n’ayant à subvenir qu’aux besoins de sa propre existence n’avait pas d’ambition. Son chétif négoce ne le mettait pas à l’abri de la pauvreté, il le préservait de la misère : le vieux célibataire n’en demandait pas davantage.

Comme la Louise l’avait prévu, Benoit ne fut pas malheureux auprès de son grand oncle ; celui-ci ne tarda pas à s’attacher à l’orphelin. L’enfant aussi se prit à l’aimer. Durant de longs jours il pleura sa mère, puis,