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UNE ŒUVRE D’ARTISTE

branches de gros arbres, qui couvraient de leur ombre le signe rédempteur. La nuit était lugubre… dans le village tous les foyers étaient éteints, nul ne prévoyait le triste événement, qui allait préluder à l’aurore du lendemain… Dans ce silence de mort Guéridou n’entendait que la voix terrifiante de la tempête et le cri tant redouté du hibou. Il eut peur… il s’éloigna… de nouveau son gros rire le reprit… il revint près de la croix, et il approcha la scie à la base de sa tige longitudinale… l’outil grinça… le malheureux avait comme hâte d’achever son œuvre… il s’activait nerveusement dans sa besogne impie… son corps ruisselait de sueur. Le signe sacré commençait à vaciller… encore un coup… l’acte sacrilège était accompli, la lourde croix s’abattait entraînant dans sa chute et écrasant sous son poids le forgeron Guéridou !

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Au retour du jour, la nouvelle de l’épouvantable forfait se répandit d’un bout à l’autre du village, la consternation fut générale….

Le prêtre accourut le premier, en même temps que lui la Louise, éplorée et tenant Benoit par la main. — On écarta le lourd fardeau, qui écrasait l’infortuné. Celui-ci respirait encore… alors la pauvre femme surmonta sa douleur et, sa honte du moment, pour ne songer qu’au salut de celui qu’elle aimait toujours, malgré ses torts. Elle prit dans ses bras son petit Benoit et s’adressant au ciel : Mon Dieu. — dit-elle — au nom de l’innocence de l’enfant, ayez pitié de l’âme du père ! — Cette touchante supplication fut entendue. À l’instant même le mori-