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CŒUR MAGNANIME

mauvaise graine pour le sur… certain q’ça va faire entrer le malheur cheu nous.. »

L’apparition soudaine d’Anne-Marie interrompit l’étrange monologue de la vieille fille.

« Léocadie, nous partons — dit l’enfant — prépare une grosse tartine de confitures pour le « petit frère », tu sais de celles qui sont si bonnes et que tu ne gardes que pour moi. » Et sans attendre de réponse elle ajouta :

— « Tu l’aimeras bien, n’est-ce pas ?

Léocadie ne s’attendait pas à cette question bien opposée aux idées qui s’agitaient dans sa tête l’instant d’auparavant ; répondre selon sa pensée c’eut été peiner Anne-Marie. Cela elle ne le voulait pas ; mais comme elle n’était jamais à court de diplomatie elle trouva aisément une réponse d’accord avec sa naturelle franchise et son désir de satisfaire son « idole ».

— « Je l’aimerai autant que j’en serai capable, mon ange. » Et en aparté elle ajouta : — « Mon Dieu, on s’attache ben quéque fois aux animaux qu’ont pas d’raison on peut tout d’même ben aimer le monde, lui qu’en a. »

La réflexion n’était pas tout à fait dépourvue de logique. Anne-Marie en fut satisfaite, et, selon son procédé, pour témoigner son contentement, elle embrassa la vieille femme. Celle-ci se trouva largement récompensée de l’effort ; car elle eut donné, sans hésiter peut-être, sa part de Paradis pour sentir sur sa joue hâlée le doux contact des lèvres roses de l’enfant.

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