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AMOUR


Quoi ! L’âme n’aime plus que vous avez séduite,
Ô Jésus ! Mais qu’on dise alors qu’est-ce qu’aimer.
Ah ! l’on n’aime vraiment, ô Christ, qu’à votre suite.
Partout ailleurs l’amour vainement veut germer.

L’amour partout ailleurs passe et n’est qu’apparence.
À votre seule école on enseigne qu’aimer
Ce n’est pas à ses sens donner pleine licence.
Et, vivant dans la chair, honteux s’y consumer.

À votre seule école on apprend qu’un cœur aime
Qui vers l’objet aimé s’élance malgré tout.
Malgré douleurs, mépris, souffrances, trépas même.
Jésus ! À votre suite on aime et jusqu’au bout !

Si fort est votre amour que parfois ses victimes
En peuvent oublier jusqu’au sens des douleurs.
Qui fit surgir un jour tous ces mourants sublimes.
Chantant parmi le feu, comme parmi des fleurs ?

Qui suscite aujourd’hui ces martyrs volontaires,
Ces martyrs par milliers de la virginité ?
Ah ! pour le monde ils sont mystère des mystères,
Mystère qu’à Jésus aucun n’a disputé !

Vous les dites traînés là par la violence.
D’où vient, quand vous brisez leurs portes et leurs fers,
Que dans l’espace libre aucun d’eux ne s’élance ?
Qui donc leur a rendu leurs noirs cachots si chers ?

Vous les plaignez, mondains, ces illusionnées,
Ces âmes dans l’éclat de leur jeune fraîcheur.
Derrière ces grands murs muets, oh ! des journées
Comme doit leur peser l’éternelle longueur !

Aux pieds d’un crucifix, devant un tabernacle.
Silencieusement toujours prier, gémir,
Dans soi-même écouter je ne sais quel oracle !
Ce seul penser suffit à vous faire frémir.