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CŒUR MAGNANIME

XI

Après l’entrée de sa nièce au Carmel, Mademoiselle Solier ne vécut plus que pour son Dieu et pour les pauvres. Malgré les afflictions passées, dont son beau visage conservait l’ineffaçable empreinte, elle jouissait à présent d’une calme et paisible félicité. Le ciel la consolait des amertumes de la terre.

On sait que les pleurs, que nous répandons au pied de la croix, Dieu les recueille et les transforme en flots de grâces et d’amour. Ce Dieu si bon et si magnifique dans ses récompenses ne se laissa jamais vaincre en générosité : Anne-Marie lui avait beaucoup donné, Il lui donnait plus encore ; à cette heure elle expérimentait les étranges paroles de l’Apôtre : « Je surabonde de joie dans mes tribulations. » Et, malgré son isolement et ses larmes, Anne-Marie connaissait encore le bonheur. Sa pensée, bien souvent, rejoignait la chère Carmélite. L’enfant regrettée était le constant sujet des entretiens de Mademoiselle Solier et de l’ancienne institutrice.

La bonne petite novice, elle, écrivait : « Je suis de plus en plus heureuse. Je n’échangerais pas mon « étroite et pauvre cellule pour le plus splendide des palais. Les douceurs que j’y goûte sont de celles que la langue humaine ne saurait exprimer, il faut les sentir pour les comprendre. Que je voudrais vous