Page:Monge - Coeur magnanime, 1908.djvu/103

Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
CŒUR MAGNANIME

« D’ailleurs — reprenait-elle — tu es trop jeune — hier encore tu n’étais qu’une enfant — comment ta frêle adolescence se plierait-elle aux rigoureuses austérités du cloître ? Plus tard, quand je me serai un peu familiarisée avec ce nouveau sacrifice, eh bien, tu partiras, je ne te disputerai plus à Dieu ; mais à présent ? non, non, jamais ! »

La pieuse enfant se taisait, chaque parole, comme autant de blessures, meurtrissait son jeune cœur. Elle avait prévu cet orage, mais elle comptait sur son Céleste Ami et sur la foi profonde de sa tante pour l’apaiser. Son espérance ne devait pas être vaine. Le lendemain quand, à l’heure du bonjour matinal, la petite Carmen présenta son front pur au baiser de Mademoiselle Solier, elle vit qu’elle avait dû beaucoup pleurer, mais elle comprit aussi que la victoire était gagnée…

« Ma chère enfant, dit la courageuse chrétienne, j’ai prononcé ce matin mon « fiat » au pied du crucifix. À présent, je comprends mieux que avant d’être à moi, tu es à Dieu ; va où Il t’appelle. Auprès de Lui nous nous retrouverons toujours. Il sera le lien de nos âmes qu’il sépare aujourd’hui, pour les réunir, j’en ai le ferme espoir, éternellement demain ! »

Toujours héroïque, Mademoiselle Solier voulut accompagner elle-même son angélique nièce jusqu’au seuil du Carmel, où débordante de bonheur et sans regret pour ce monde qu’elle connaissait à peine, et qui ne lui avait offert que joies et sourires, la virginale jeune fille allait désormais ensevelir sa fraîche beauté et son radieux printemps.

Sa pauvre tante avait trop présumé de ses forces ; pour la première fois en sa vie, la douleur allait triom-