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CŒUR MAGNANIME

IX


La petite Carmen fut désormais l’unique joie et la plus chère consolation d’Anne-Marie qui aima l’orpheline avec une tendresse de mère. Celle-ci le lui rendit avec tout l’élan de son jeune cœur. Grande Amie reprit son rôle d’institutrice, la tâche lui parut plus douce encore qu’autrefois.

Les deux saintes filles rivalisèrent d’amour et de zèle pour former l’âme de l’enfant. La fillette était aimante et docile ; son jeune printemps et son rire joyeux ensoleillaient la vaste maison qui, sans elle, eût été bien triste et bien sombre. Anne-Marie n’avait jamais beaucoup aimé le monde ; autant que les exigences de sa condition le lui permettaient, elle s’en était tenue éloignée ; après la mort de ses parents elle avait tout à fait brisé avec lui ; seuls quelques rares amis, avec lesquels elle pouvait parler des chers disparus, étaient admis à son intimité. Les caresses de Carmen la payaient amplement de son sacrifice passé et de sa solitude. Dieu et l’enfant de Rodrigue remplissaient sa vie. Celle-ci grandissait sans rien perdre de sa candeur enfantine. Sa beauté attirait déjà les regards, elle n’avait d’égale que la pureté de son âme. C’était un pur cristal que l’haleine corruptrice du monde ne devait jamais ternir.

Comme l’avait, souhaité Rodrigue, Carmen eut l’âme virile de sa tante ; mais, plus heureuse, elle ne devait