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Dans nombre de magasins, l’on peut acheter des masques faits sur mesure, voire d’une certaine élégance, affirme un journal du soir. Mais, est-il forcé d’ajouter, ils sont d’un prix élevé. Que faire ?

Il faut dépenser au moins 80 fr., même si l’on ne tient pas à cette « certaine élégance » dont le souci décide les godelureaux et pimbêches à choisir un modèle à 140 fr. qui, d’ailleurs, risque de ne pas mieux les protéger.

L’ouvrier et, à plus forte raison, le chômeur que son indemnité aide juste à ne point crever de faim, peuvent donc s’apprêter à perdre sinon la vie, du moins les poumons ou les yeux, car les aveugles ne seront pas toujours « des aveugles pour rire » qui réjouissaient les rombières déguisées, non plus en simples dames de la Croix-Rouge, mais en scaphandrières, lors de l’attaque aux alentours de Notre-Dame-des-Champs. Ici ouvrons une parenthèse pour noter que le conseiller municipal de ce quartier a tenu sa promesse. Oui, nous voilà bel et bien au seuil des luttes futures si chères à celui dont la naine personne condense les genres et les styles les plus divers de la provocation.

Il en est des exercices de défense passive comme des omelettes qui, chacun le sait, ne se font pas sans casser d'œufs. Il y a eu bon nombre de bonnes chutes dans l’obscurité. Si le médecin avait le droit de circuler en auto, mais au ralenti, phares éteints (tant pis pour la femme qui accouche, le blessé, le malade à opérer d’urgence), les particuliers devaient aller le chercher à pied.

Quand, au lieu de troubler le sommeil des Parisiens, les sirènes se contentent d’arrêter leur travail, MM. Guichard et Langeron en profitent pour soigner leur publicité. D’où photo de l’un et l’autre, avec, entre eux, promu au grade d’agent sauveteur, l’un de ces braves gens qui font métier de matraquer et d’assassiner les prolétaires.

Comme la gauloiserie ne perd jamais ses droits, afin de donner un petit air bon enfant et gentiment cochon aux jeux de la guerre, un abri a été installé rue de Provence, dans une maison hospitalière.

L’amour masqué, comme disait l’autre !

Il est question d’aménager des casernes où pourraient être entassés 800,000 êtres humains. Or, la ville et sa banlieue comptent plusieurs millions d’habitants. D’autre part, tout le monde n’a pas une limousine à sa disposition, pour fuir et gagner les casernes. À supposer qu’il n’y ait pas d’embouteillage à la sortie de Paris, les avions ennemis auraient vite rejoint la caravane éperdue.

Alors ?

Alors, aujourd’hui plus que jamais, contre le fascisme et la guerre, le pouvoir au peuple.

René CREVEL.