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_ 308 LIVRE V, CHAPITRE IV rapportées par Lucullus, ajoutez-y les exactions non olïi-_ cielles prélevées par les légionnaires et les dommages , directs de la guerre, et vous aurez facilement l’idée de l’épuisement financier du pays. Les contributions frappées sur l’Asie par la Ptépublique,dans leur somme et leur mode, n’aggravaient en rien sans doute les rigueurs fiscales des régimes antérieurs, mais elles avaient cela — de désastreux pour les territoires orientaux que leur produit s’en allait tout à l’étranger, qu’il n’en revenait · _qu’une très-mince portion en Asie, et que dans les nouvelles comme dans les anciennes provinces l’imp0t était toujours le dépouillement organisé des sujets au profit de la ville souveraine. Ne l’imputons point tant à faute aux généraux qu’aux partis politiques dans Rome, avec lesquels il leur fallait bien compter : il en prit mal à Lucullus d’avoir vigoureusement lutté contre les excès usuraires des financiers romains : leurs rancunes furent la cause principale de sa chute. Lucullus et Pompée voulaient sérieusement la restauration et la prospérité des pays · conquis; et leurs efforts le prouvent partout où ils n’avaient 'plus les mains liées par les nécessités de parti : dans l'affaire de la réorganisation des villes asiatiques, par exemple, alors que pendant bien des siècles les ruines ‘ de telle ou telle bourgade remettront en mémoire les . temps de la grande guerre, Sinope relevée et florissante datera de Lucullus son ère nouvelle, et à l’intérieur du Pont presque toutes les cités importantes auront pour Pompée leur fondateur un culte de reconnaissance. Avec bien des lacunes et des vices non méconnaissables, l’œuvre de Lucullus et de Pompée ·dans l'Asie romaine n’en reste pas moins une œuvre louable et intelligente; et quelques · lourds embarras qui s’attachassent au régime inauguré par eux, il dut étre le bienvenu pour ces peuples d’Asie tant et tant·de fois flagellés : il leur apportait du moins, au dedans comme au dehors, la paix que leurs cris de l douleur appelaient depuis des siècles. .