240 I LIVRE V, CHAPITRE III trouvant point _sou compte à ·ne frayer qu’avec les partis dominants, comme les temps n'étaient point murs pour une politique personnelle, ouvertement dynastique, comme lui-méme il n'était point fait pour ce rôle, il ne lui resta bientôt plus qu’à s’associer avec la démocratie. Aucun in- téret propre ne le liaitlà la constitution de Sylla 1 il lui était loisible tout aussi bien, sinon mieux meme, de poursuivre sa fortune dans les rangs populaires. Là, il trouvait tout ce dont il avait besoin. Les chefs actifs et habiles du parti étaient prets. Ils étaient hommesà le dé- charger, lui, le héros gauche et gourmé, de tous les ennuis du gouvernail politique : ils étaient trop peu forts pour pouvoir ou vouloir disputer à un général illustre le pre- mier rôle, et surtout le commandement des forces mili- taires. Le plus important d'entre eux, Gaius César, n’était encore qulun adolescent, pour ainsi dire, fameux par l’au- dace déployée dans ses voyages et par ses dettes élégantes, plus encore que par l’ardeurï de son éloquence de déma- gogue. Il s’estimerait tres-honore,.si le glorieux Pompée faisait de lui son adjudant politique. La popularité, chose _ plus convoitée d’ordinaire qu’ils ne se l’avouent par les _ hommes chez qui, comme chez Pompée, l’ambition dépasse le génie, la popularité ne viendrait-elle pas au devant _ A du jeune genéral le jour même ou, donnant les mainsà la - démocratie, il lui apporterait la victoire jusque la ines- pérée'? Ne recevrait-il pas du même coup la récompense qu’il réclamait pour lui et pour ses soldats? L’oligarchie àbas, nul autre dans l’opposition ne pouvant lui faire concurrence, n’allait-il pas dépendre de lui seul de se ` faire la situation qu’il lui plairait? D’autre part, il était manifeste que passer dans le camp ennemi,avec cette armée· revenue victorieuse d’Espagne, et tout entiere rassemblée en Italie sous la main de son chef, c’était renverser l’ordre ` de choses existant. Pouvoir régnant, opposition, étaient également sans force : mais si l’opposition ne combattait ` plus seulement avec la parole, si elle mettait au·service
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