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LITTÉRATURE ET ART 103 dération et Rome. Il assista à la destruction de Carthage et à celle de Corinthe. Les vicissitudes de salfortune lui avaient montré, mieux qu’aux Romains eux-memes, la grandeur historique de leur capitale. Placé comme il l’était, homme d’État grec, captif transporté en Italie, hautement estimé, envié méme, dans l’occasion, pour sa culture hellénique, aussi bien par Scipion Emilien, que par les premiers citoyens de Rome, il vit se réunir en un seul lit ' unique les fleuves qui si longtemps avaient coulé séparés: les États méditerranéens et leur histoire allaient se fondre dans l’hégémonie de l’empire romain et de la civilisation grecque. Il est le premier Héllène de marque, qui soit entré avec une conviction sérieuse dans le cercle des Scipions et dans leurs visées embrassant le monde; qui ait eu la vue claire de la supériorité de l’hellénisme dans l’ordre moral, de la supériorité de Romeldans l’ordre ' politique. Les faits avaient jugé en dernier ressort : des deux cotés il était juste ou nécessaire de se soumettre à la sentence. Soit qu’il agit, homme `d’État,`soit qu’il écrivit, historien, Polybe resta dans la ligne tracée. Que si dans sa _ ·jeunesse, il avait sacrifié‘au_sentiment honorable mais impuissant du patriotisme Achéen local, arrivé à l’àge S mûr, il se fit dans son pays, avec l’intelligence de la nécessité inéluctable, le représentant de la politique étroi- tement attachée à la suzeraineté de Rome. Politique bien u pensante, et voyant de haut (qui peut en douter?), mais ou la fierté nationale et la magnanimité du cœur n’ont plus · rien àvoir. Polybe ne sut pas non plus, de sa personne, se A ~ dégager pleinement des vanités et des petitesses de l’hommc d'État contemporain. A peine est-il relevé de sa captivité, qu’il demande au Sénat la restitution en bonne forme et pa1· écrit de tous les otages dans leurs rangs et honneurs au sein de leurs villes natales; à quoi Caton répondit fort bien, qu’il lui semblait voir Ulysse rentrant dans l'antre de Polyphème, pour y redemander sa ceinture et son cha- peau. Je concède que Polybe mit souvent au service de ses