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LIVRE II, CHAP. III

cette noblesse plébéienne à qui le tribunat devait nécessairement appartenir et appartint en effet. Au lendemain de l’égalité civile proclamée, la constitution romaine ayant revêtu une couleur plus décidément aristocratique encore que n’était celle de la veille, quoi d’étonnant à ce que l’aristocratie plébéienne n’ait pu se réconcilier avec les tendances nouvelles ? Les patriciens, défenseurs obstinés de l’institution consulaire patricienne, ne luttaient pas contre elles avec plus d’énergie. Ne pouvant abolir le tribunat, on s’efforça de le transformer. L’opposition avait cru y trouver tout un arsenal d’armes offensives ; on en fit un instrument de gouvernement. Les tribuns, à l’origine, n’avaient point part à l’administration ; ils n’étaient ni magistrats, ni membres du sénat : on les fit entrer dans le corps des magistratures administratives. Dès le premier moment, on leur donne une juridiction égale à celle des consuls : dès les premiers combats entre les ordres, ils conquièrent à leur égal l’initiative législative ; puis, plus tard, sans que nous puissions exactement dire à quelle date, peu de temps avant ou après la proclamation de l’égalité civile, sans doute, ils occupent, au regard du sénat, du corps qui vraiment régit et gouverne, une situation encore pareille à celle des consuls. Jadis, ils assistaient aux délibérations, assis sur un banc, près de la porte : aujourd’hui, ils ont leur siège dans l’intérieur de la salle, à côté des sièges des autres magistrats ; ils ont le droit de prendre la parole ; et s’ils ne peuvent pas voter, c’est qu’en vertu d’une règle formelle du droit public de Rome, celui-là n’a que voix consultative, qui n’est point appelé à agir. Tous les fonctionnaires, en effet, durant leur année de charge entrent et parlent dans le sénat ; ils n’y ont jamais voix délibérative (p. 19). Les choses n’en restèrent point là. Bientôt les tribuns obtinrent le privilège distinctif des hautes magistratures, celui qui