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L’ÉGALITÉ CIVILE

le principe contraire se fait jour peu à peu. Les attributions des magistrats et leur compétence seront assujetties à des limites fixes. L’impérium un et indivisible sera brisé et détruit. La brèche s’ouvre par la création des fonctions juxtaposées au pouvoir consulaire, par la questure notamment (p.12 et suiv.) : elle s’achève par la législation Licinienne, de 367 av. J.-C.387, qui répartissant les attributions des trois plus hauts fonctionnaires de l’État, donne aux deux premiers le pouvoir exécutif et la guerre, et le pouvoir judiciaire au troisième [préture]. On ne s’en tint pas là, quoiqu’ils eussent partout le même pouvoir et la libre concurrence, les consuls en fait n’avaient jamais manqué de se partager entre eux les divers départements officiels (provinciæ)[1]. Ils avaient fait cette division, soit de commun accord, soit en tirant au sort leurs provinces ; mais voici que les autres corps constituants de l’État s’immiscent à leur tour dans la répartition de leur compétence. Il devint d’usage que le sénat, tous les ans, leur délimitât leur ressort ; et que, sans aller encore jusqu’à faire lui-même la division des affaires entre magistrats également compétents, il leur donnât toutefois son avis, ou les invitât à se régler suivant son conseil, exerçant ainsi une influence grande jusque dans les questions de personnes. Dans les cas extrêmes il eut aussi recours à l’avis du peuple, dont le plébiscite tranchait alors la question en litige (p. 89). Toutefois c’était là un moyen dangereux pour le gouvernement ; il ne fut que rarement employé. Enfin, on retira aux consuls les plus graves affaires, les traités de paix, par exemple ; ils eurent dans ces circonstances à en référer au sénat et à suivre ses instructions. Que

  1. [V. sur le sens exact du mot provincia, la dissertation de M. Mommsen, dans l’écrit cité, t. I, p. 11, à la note : die Rechtsfrage zwiechen Cæsar u. dem Senat (Le litige entre César et le Sénat) — Breslau, 1857, p. 3 et suiv.]