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L'ÉGALITÉ CIVILE

cider vite et sans discussion, le corps des citoyens constituant bien moins le peuple proprement dit que l’État tout entier. Sans nul doute, les cités incorporées dans les tribus rustiques ne se séparaient pas de leur groupe : les voix des Tusculans par exemple décidaient du vote de la tribu Papiria : sans nul doute aussi, l’esprit municipal s’était fait jour jusque dans les comices (il était, et il a été en tout temps dans le génie de la nation italienne !). Et quand le peuple s’assemblait, dans les tribus surtout, il se coalisait parfois sous l’inspiration de l’intérêt local et de la communauté des sentiments. De là des animosités, des rivalités de diverses sortes. Dans les circonstances extraordinaires, l’énergie, l’indépendance pouvaient ne pas faire défaut : mais dans les cas habituels, il faut bien le dire, la composition et la décision des comices dépendaient du hasard, ou du personnage investi de la présidence ; ou encore elles étaient dans la main des citoyens domiciliés dans la ville. Aussi comprend-on facilement comment, après avoir exercé une si réelle et si grande influence durant les deux premiers siècles de la république, on les voit peu à peu devenir un instrument passif, à la discrétion des magistrats qui les dirigent : instrument dangereux en même temps, alors que ces magistrats sont en grand nombre et que tout plébiscite est tenu désormais pour l’expression légale et définitive de la volonté populaire. On ne songeait d’ailleurs pas encore à une extension plus grande des droits constitutionnels du peuple : celui-ci, moins que jamais, se montrant apte à vouloir et à agir par lui-même. La démagogie n’existait pas, à vrai dire, et eût-elle existé, elle aurait moins visé à accroître les attributions des comices qu’à donner simplement devant eux plus large carrière à la discussion politique. Durant toute cette période, en effet, nous assistons à l’application constante et rigoureuse de l’an-