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LIVRE II, CHAP. III

num] et de la soucoupe [patera] servant aux sacrifices, nulle maison ne contenait alors de vaisselle d’argent[1]. De tels faits ont bien leur importance. À voir les succès éclatants de la République, durant le siècle qui se place entre la dernière guerre de Véies et la lutte contre Pyrrhus, on pressent aisément qu’alors les nobles avaient fait place aux cultivateurs ; et que lors de la destruction de la cohorte des Fabiens, appartenant à la haute noblesse, le deuil de la Cité tout entière ne fut ni plus grand ni moindre que celui que ressentirent plébéiens et patriciens tous ensemble, en présence du dévouement et de l’héroïque trépas des Décius, lesquels appartenaient à l’ordre plébéien. On voit aussi qu’alors le consulat ne venait plus de lui-même s’offrir au noble le plus riche ; et l’on constate enfin, que Manius Curius, un pauvre laboureur de La Sabine, revenu vainqueur du roi Pyrrhus qu’il avait chassé de l’Italie, s’en retournait vivre sur son petit domaine de la Sabine, pour y semer son blé, comme devant.

L'aristocratie nouvelle.Qu’on ne l’oublie pas pourtant : cette égalité républicaine si imposante n’était, sous beaucoup de rapports, que pour la forme. Du milieu d’elle surgit bientôt une aristocratie véritable, dont elle renfermait le germe. Depuis longtemps, déjà, les familles riches ou notables parmi les plébéiens, s’étaient séparées de la foule, faisant alliance avec le patriciat, tantôt pour la jouissance exclusive des droits sénatoriaux, tantôt pour poursuivre une politique étrangère, souvent même contraire à l’intérêt plébéien. Vinrent les lois Liciniæ Sextiæ, qui supprimèrent toutes les distinctions légales au sein de l’aristocratie : en transformant les institutions qui excluaient

  1. [Mais posséder le salinum et la patera d’argent, qui se transmettaient ensuite de père en fils, était l’ambition, même des plus pauvres. — Valer. Max. iv, 4, 3. — Tit.-Liv., xxvi, 36. — V. Rich. Dict. des antiq. his Vis.]