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L'ÉGALITÉ CIVILE

naux à tous les citoyens. Comme elle se savait à bon droit impopulaire, la noblesse plébéienne eut soin de comprendre toutes ces réformes dans un seul projet d’ensemble, et, après de longs combats (ils durèrent onze ans, dit-on), la loi passa dans son entier (en 367 av. J.-C.387).

Le patriciat perd sa prépondérance politique.À dater de la promotion du premier consul non patricien (le choix du peuple était tombé sur l’auteur principal de la réforme, sur l’ancien tribun Lucius Sextius Lateranius), le patriciat, en fait et en droit, ne compte plus parmi les institutions politiques de Rome. On rapporte qu’après le vote des lois Liciniennes, Camille, abdiquant ses préjugés de caste, aurait bâti un temple à la Concorde sur un point élevé du Comitium, l’antique lieu d’assemblée du peuple, où le sénat avait aussi coutume de se réunir. Si le fait est vrai, Camille reconnaissait par là même que les haines obstinées et funestes des ordres avaient pris fin dans ce jour. Ainsi, la consécration religieuse du traité de paix aurait été le dernier acte de la vie publique du grand homme d’État et du grand capitaine, et marquerait le terme de sa longue et glorieuse carrière. Camille ne se trompait point complètement. Désormais, les plus éclairées parmi les familles patriciennes professeront tout haut qu’elles ont perdu leurs privilèges politiques ; elles se contenteront de partager le pouvoir avec l’aristocratie plébéienne. Mais la majorité des patriciens persista encore dans son incurable aveuglement. Ainsi qu’ils l’ont fait dans tous les temps, les champions de la légitimité s’arrogèrent aussi à Rome le privilège de n’obéir à la loi que quand elle favorisait leurs intérêts du parti. On les vit donc souvent, enfreignant l’ordre de choses nouvellement consenti, nommer à la fois deux consuls patriciens. Le peuple ensuite prenait sa revanche. Après l’élection toute patricienne de 343 av. J.-C.411, il veut nommer deux plébéiens. C’était là encore un péril auquel il dut être paré ; et, en dépit des souhaits formés par quelques