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LIVRE II, CHAP. III

plus de cent bœufs et de cinq cents moutons ; que nulle parcelle laissée à titre d’occupation à un seul détenteur n’excéderait 500 jugères (126 hectares) ; que les possesseurs de fonds de terre seraient tenus d’employer toujours des travailleurs libres en nombre proportionnel avec celui de leurs esclaves ; et qu’enfin, pour alléger le sort des débiteurs, les intérêts payés seraient imputés sur le capital, le surplus demeurant payable après termes et délais. La portée de ces lois est manifeste : elles ne tendaient à rien moins qu’à enlever aux nobles la possession exclusive des charges curules, et les distinctions nobiliaires et héréditaires y attachées. Or, ce but ne pouvait être atteint qu’en retirant au patriciat l’un des deux siéges consulaires. Elles avaient aussi pour objet de lui retirer le privilège des dignités religieuses : mais, par une cause facile à comprendre, tandis que les charges des augures et des pontifes, appartenant à l’ancienne Latinité, étaient laissées aux anciens citoyens, les lois nouvelles obligèrent les nobles de partager avec les citoyens nouveaux le troisième collège de création plus récente, et dont le culte provenait d’une origine étrangère. Enfin, elles appelaient le bas peuple à la jouissance des usages communaux ; elles venaient en aide aux débiteurs, et procuraient du travail aux journaliers. Abolition des privilèges, réforme sociale, égalité civile, voilà les trois grandes idées qui allaient triompher. Les patriciens luttèrent jusqu’au bout, mais en vain. La dictature, les efforts du vieux héros des guerres gauloises, Camille, purent bien reculer quelque temps le vote des lois Liciniennes ; ils ne purent les écarter toujours. Le peuple, lui aussi, se fût peut-être facilement prêté à la division des motions accumulées dans ces lois. Que lui importait, en effet, le consulat et la garde des oracles sibyllins ? Ce qu’il voulait, c’était l’allégement du fardeau de ses dettes ; c’était l’abandon des commu-