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LIVRE II, CHAP. III

lius, le sauveur du Capitole pendant l’invasion gauloise, se leva un jour et prit en main la cause des opprimés. Il se sentait ému par les souffrances de ses anciens compagnons d’armes ; il se jetait dans l’opposition par haine de son rival, Marcus Furius Camillus, le général le plus fameux de Rome, et aussi le chef du parti des nobles. Un jour qu’un brave officier allait être incarcéré pour dettes, Manlius vint, et le délivra en payant pour lui. En même temps, il mit ses domaines en vente, disant tout haut que tant qu’il lui resterait un morceau de terre, il l’emploierait à empêcher ces iniquités odieuses. C’en était assez pour réunir contre lui les jalousies de tout le parti gouvernemental, patriciens et plébéiens. Faire un procès de haute trahison à ce dangereux novateur ; l’accuser de prétendre à la royauté, pousser contre lui la foule aveugle, et entrant en fureur aux premiers mots d’une dénonciation banale ; le faire condamner à la mort ; tout cela fut une œuvre facile et rapidement menée : on avait eu soin, pour lui ôter la protection de sa gloire, de rassembler le peuple en un lieu d’où l’on ne voyait plus le Capitole, témoin muet de la patrie sauvée naguère par ce même homme aujourd’hui livré à la hache du bourreau 384 av. J.-C.(370).

Mais c’est en vain que les essais de réforme étaient étouffés dès le début ; le mal devenait plus criant tous les jours. À mesure que la victoire accroissait le domaine public, les dettes, la pauvreté faisaient d’immenses progrès dans le peuple, surtout au lendemain des guerres longues et difficiles avec Véies (348-358), et après l’incendie de la Ville par les hordes gauloises 396-386 av. J.-C., 390 av. J.-C.(364). Déjà, durant les guerres avec Véies, Rome s’était vu forcée d’allonger le temps de service du simple soldat et de le tenir sous les armes, non plus seulement pendant l’été comme autrefois, mais aussi pendant la saison d’hiver : mais aujourd’hui le peuple, dans ce complet abaisse-