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L'ÉGALITÉ CIVILE

leurs attaques ressemblent plutôt aux actes irréfléchis d’une rancune impuissante qu’aux manœuvres savantes d’une tactique de parti. Ainsi en fut-il du procès fait à Mœlius. Spurius Mœlius, riche plébéien, avait, durant une disette rigoureuse 439 av. J.-C.(315), vendu des grains à des prix dont la modicité faisait tort à l’administration de l’intendant des vivres publics (præfectus annonæ), le patricien Gaius Minucius. Celui-ci, irrité, l’accusa de viser à la royauté. Disait-il vrai ? Nous l’ignorons. Nous avons peine à croire qu’un homme, qui n’avait point même encore été tribun du peuple, ait pu songer sérieusement à se faire tyran. Quoi qu’il en soit, les hauts dignitaires prirent la chose au sérieux : le cri de haro contre la royauté a toujours entraîné la foule à Rome, comme le cri d’à bas le pape ! soulève les Anglais dans les temps modernes. Titius Quinctius Capitolinus, consul pour la sixième fois, nomma l’octogénaire Lucius Quinctius Cincinnatus dictateur, avec pouvoir de juridiction sans appel, ce qui était une violation ouverte des lois récemment jurées (p. 55). Mælius mandé, fit mine de se soustraire à la citation donnée : il fut tué par le maître de la cavalerie du dictateur, Gaius Servilius Ahala. La maison du malheureux fut rasée, le grain emmagasiné par lui distribué gratis au peuple, et l’on se délit de tous ceux qui menaçaient de le venger. Ce meurtre judiciaire resta donc impuni, à la honte d’un peuple facile à tromper et aveugle, plus encore, que d’une noblesse hostile et de mauvaise foi. Elle avait espéré, dans cette circonstance, pouvoir abolir le droit de provocation ; mais il était dit qu’elle ne gagnerait rien à enfreindre ainsi les lois et à répandre le sang innocent.

Intrigues des nobles.Toutefois ce fut surtout dans les intrigues électorales et dans les supercheries pieuses du sacerdoce que les aristocrates montrèrent leur esprit d’agitation funeste. Ils firent tant et si bien, que, dès l’an 432 av. J.-C.322, il fallut promul-