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L'ÉGALITÉ CIVILE

prolongea durant un long siècle, et ne prit fin qu’en laissant le peuple en possession d’avantages que l’aristocratie n’aurait pas facilement perdus, si elle eût été plus unie. D’un autre côté, malgré les lois nouvelles, elle fit tant que le gouvernement demeura, pendant plusieurs générations d’hommes, dans les mains de la seule noblesse. Les moyens que celle-ci mit en usage étaient multiples comme les vices mêmes du système politique. Au lieu de trancher une fois pour toutes la grave question de l’admission ou de l’exclusion des plébéiens, l’aristocratie n’accorda que ce qu’elle ne pouvait pas retenir, et par forme de concession pour telle ou telle élection spéciale. De la sorte, le combat recommençait tous les ans. Les consuls seront-ils nécessairement, des patriciens ? Les tribuns militaires, investis des pouvoirs consulaires, seront-ils ou non choisis dans les deux ordres ? Questions vaines et pourtant sans cesse débattues ! Démembrement des magistratures.Parmi les armes dont usa la noblesse, la fatigue et l’ennui de ses adversaires ne fut pas la moins efficace. Multipliant les points d’attaque et de défense, dans le but de retarder une défaite inévitable, on créa des charges nouvelles en démembrant les anciennes magistratures. Les censeurs.Tous les quatre ans, par exemple, les consuls avaient eu le devoir d’arrêter les états du budget, les listes des citoyens et les rôles de l’impôt. Or, dès l’an 435 av. J.-C.319, les centuries choisissent dans la noblesse des contrôleurs réguliers (censores), institués pour dix-huit mois au plus. La nouvelle fonction de la censure devint bientôt le palladium des nobles, non pas tant à cause de son utilité financière, que parce qu’il s’y rattacha un droit des plus importants, celui de pourvoir aux places vacantes dans le sénat et dans l’ordre équestre. Toutefois, la haute mission et la suprématie morale [regimen morum] de cette magistrature ne se dégageront que dans l’avenir ; aujourd’hui le censeur est loin encore de les posséder.