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L'ÉGALITÉ CIVILE

Les lois anciennes admettaient aux grades militaires les citoyens et les simples habitants, indistinctement, dès qu’ils étaient appelés sous les armes (I, p. 127) ; ouvrant ainsi d’avance, en quelque sorte, l’accès de la fonction suprême aux plébéiens aussi bien qu’aux patriciens. On se demandera peut-être pourquoi, la noblesse, forcée de consentir au partage de son privilège, a concédé la chose sans vouloir concéder le nom ; et pourquoi elle a en réalité ouvert le consulat aux plébéiens sous la forme étrange de tribunat militaire[1].

Voici l’explication du fait. Avoir occupé les dignités suprêmes de l’État constituait un honneur insigne dans les idées des Romains d’autrefois. De là le droit d’exposer les images[2] des aïeux illustres dans l’atrium de la maison, et de les montrer au public, dans certaines occasions solennelles. Les distinctions acquises se perpétuaient héréditairement dans les familles. Au sein même .

    fait que, plus tard, la préture patricienne est venue se placer à côté du consulat désormais ouvert à tous, on a vu dans la pratique de l’institution du tribunat consulaire, les membres plébéiens du collège tribunitien demeurer étrangers aux fonctions judiciaires et préparer sous ce rapport un partage d’attributions, qui se réalisera, dans les temps ultérieurs, entre les préteurs et les consuls.

  1. On a prétendu, qu’en luttant pour l’exclusion des plébéiens, la noblesse obéissait à des préventions purement religieuses. Mais c’est méconnaître entièrement la religion de Rome, que d’aller ainsi transporter dans l’antiquité l’idée moderne de la séparation de l’Église et de l’État. Il se peut qu’aux yeux du Romain orthodoxe l’admission du non-citoyen aux actes de sa religion civile eût été chose condamnable ; mais ce même Romain n’a jamais hésité a accorder l’égalité religieuse la plus complète à tout individu reçu dans la communauté politique par l’État, à qui seul il appartenait de conférer les droits civiques. Tous ces scrupules de conscience, quelque honorables en soi qu’ils pussent être, disparaissaient nécessairement, dès qu’on faisait pour les plébéiens pris en masse ce que l’on avait fait jadis pour Appius Claudius ; dès qu’à l’heure opportune on les admettait tous au patriciat. La noblesse en s’opposant d’abord à l’égalité civile, ne se préoccupait pas le moins du monde d’une question de conscience pieuse : bien plus, on la vit parfois, sans prendre garde même à des opinions et a des préjugés qu’elle froissait, sans nul doute admettre les non-citoyens aux actes privilégiés de la vie civile, tandis qu’elle refusait la péréquation des droits aux citoyens de l’ordre inférieur.
  2. [Jus imaginum].