Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 2.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
LIVRE II, CHAP. III

l’an 443 av. J.-C.309, la loi Canuléia dispose que l’alliance entre patriciens et plébéiens peut constituer les justes noces, et que les enfants qui en naissent suivront la condition de leur père. En même temps il est ordonné qu’aux lieu et place des consuls, il sera nommé des tribuns militaires (tribuni militum cum consulari potestate), pouvant être six en nombre, ce semble, de même qu’il y avait six tribuns par légion. Leur élection fut donnée aux centuries : ils avaient la puissance consulaire, et leur fonction devait durer autant que celle d’un consul[1].

  1. On a soutenu à tort, que les tribuns consulaires issus du patriciat avaient le plein imperium, que ceux sortis des rangs plébéiens n’avaient au contraire que l’imperium militaire. Une telle opinion fait naître aussitôt maintes questions qui demeurent insolubles. Si cette inégalité des attributions avait été réelle, que serait-il arrivé, par exemple, au cas légalement possible, où l’élection n’aurait promu que des plébéiens ? Et puis, on se heurte alors irrémédiablement contre l’un des principes fondamentaux du droit public à Rome, aux termes duquel l’imperium, c’est-à-dire, le droit de commander aux citoyens au nom du peuple, était tenu pour essentiellement indivisible, et ne comportait d’autres limites que celles des circonscriptions territoriales ? Le droit civil et le droit militaire ont leurs ressorts distincts, cela est vrai : à l’armée ne sont de mise ni l’appel, ni les autres dispositions de la loi civile ; il est enfin des magistrats, les proconsuls, par exemple, dont la sphère d’action est toute militaire. Néanmoins, et dans la rigueur de la loi, aucun magistrat n’a sa compétence limitée aux seules matières civiles ; il n’en est point non plus qui ne possèdent que l’imperium militaire. Le proconsul, dans sa province, est comme le consul, général en chef, et grand juge tout ensemble : il n’a pas seulement qualité pour connaître des litiges entre soldats, et non-citoyens : il les instruit aussi entre les citoyens. Quand, après l’institution de la préture, l’idée se fait jour d’une compétence distincte pour les hauts magistrats (magistratus majores), elle réside d’abord dans les faits bien plus que dans le droit. Si le préteur urbain est au début et exclusivement grand juge, il lui est aussi permis de convoquer les centuries, et de commander à l’armée : le consul a dans la ville l’administration suprême et le suprême commandement : mais il agit aussi comme justicier dans les émancipations et les adoptions. Des deux côtés nous voyons, maintenue dans toute sa rigueur la règle de l’indivisibilité substantielle des pouvoirs du haut fonctionnaire. Tenons-le donc pour certain : les tribuns consulaires, plébéiens comme patriciens, ont reçu virtuellement et dans leur entier, la puissance judiciaire et la puissance militaire, ou mieux, la pleine puissance de magistrature, pour ne point établir ici ces distinctions abstraites inconnues des Romains de ces temps. Mais j’admettrai volontiers comme probable l’opinion mise en avant par Becker (Handb : [Manuel], 2, 2, 137). Suivant lui, et par la même raison qui a