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LES DÉCEMVIRS

tres s’en vont en exil, et leurs biens sont confisqués. Les représailles menaçaient d’aller plus loin encore ; mais un tribun du peuple, le sage et honnête Marius Duilius s’interpose : son veto arrête tous les autres procès.

Restauration du tribunat.Tel est le récit des chroniqueurs : comme d’habitude ils s’attachent aux faits extérieurs, et laissent les causes dans l’ombre. Je ne crois pas que les actes impies de quelques-uns des décemvirs aient à eux seuls provoqué la restauration du tribunat. Celui-ci aboli, les plébéiens perdaient l’unique poste politique auquel il leur était donné d’arriver. Leurs chefs n’avaient pas renoncé sérieusement à un tel avantage ; et ils ont dû avidement saisir la première occasion qui s’offrait de montrer au peuple toute l’inefficacité de la lettre morte de la loi, comparée à l’énergique tutelle de la puissance tribunitienne. L’orgueil insensé des nobles, allant choisir les décemvirs parmi les plus ardents zélateurs de la faction aristocratique, précipita la crise, et tous les plans de concorde furent emportés comme des toiles d’araignée devant la fureur des partis.

Le nouveau compromis est tout en faveur des plébéiens, cela va de soi. Il restreint tout d’abord la puissance de la noblesse. Le code des lois civiles, arraché précédemment à celle-ci, avec ses deux tables additionnelles récentes, survit dans son entier, et les consuls s’obligent, en jugeant, à le suivre à la lettre. Les tribus n’ont plus la connaissance des causes capitales ; mais par voie de compensation grande, il est enjoint à tout magistrat, au dictateur lui-même, d’accorder l’appel par mesure générale au moment de son élection. Quiconque institue un fonctionnaire contrairement à cette règle encourt la peine de mort. Du reste, le dictateur conserve, tous ses anciens pouvoirs ; et le tribun du peuple ne peut s’en prendre à ses ordonnances comme à celles du consul. Au tribun aussi la compétence est laissée pour toutes