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LIVRE II, CHAP. II

préexistant, des innovations bien profondes, ou dépassant, en tant que règlements de police, la mesure des nécessités du moment. En matière de crédit, par exemple, les XII Tables se contentent d’adoucir le sort du débiteur, en fixant un taux assez bas, ce semble, au maximum de l’intérêt des capitaux (10 pour 100) ; en menaçant l’usurier d’une peine sévère, plus sévère même que la peine du vol : c’est là un de leurs traits caractéristiques. Mais les rigueurs de la procédure ne sont pas modifiées dans leurs principales formalités. Encore moins y est-il question de changements dans l’état et le droit des divers ordres. Les domiciliés se distinguent toujours de ceux qui ne sont point établis. Les mariages entre les nobles et les plébéiens sont de nouveau interdits ; enfin, pour mieux circonscrire les pouvoirs jadis arbitraires du magistrat, et, pour assurer au peuple les garanties qui lui sont dues, il est expressément écrit que la loi ancienne le cède à la loi nouvelle et qu’il ne sera plus voté de plébiscite contre un seul individu[1]. Une autre disposition non moins remarquable, l’appel au peuple assemblé dans les tribus est interdit en matière capitale : l’appel devant l’assemblée centuriate demeure autorisé, ce qui justement s’explique par la suppression de la puissance tribunitienne, et conséquemment de la juridiction criminelle des tribuns (pp. 39,40). L’importance politique des XII Tables réside donc bien moins dans les innovations de leur texte, que dans l’obligation expressément imposée aux

  1. [Ne privilegia irroganto. — On a plusieurs fois tenté de réunir et de classer les fragments des XII Tables qu’on rencontre épars chez les divers écrivains de l’antiquité. La restitution due aux efforts de J. Godefroy a été reproduite, avec corrections, par Dirksen, par Zell, par Bœcking. M. Ch. Giraud a publié le travail des deux premiers, à l’appendice de sa savante Hist. du Droit rom. (Aix et Paris, 1847), pp. 465 et suiv. — V. aussi ch. II, pp. 59 et s. — Nous y renvoyons les curieux.]