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LE TRIBUNAT DU PEUPLE

ment à la ruine de l’État, sans aucun profit pour personne. Tous les hommes sérieux en conviendront : les immixtions des tribuns dans l’administration, les accusations continuelles dirigées par eux contre les fonctionnaires étaient la source d’un mal incessant : le seul bienfait qu’ils eussent apporté au petit citoyen, c’était de lui avoir ouvert un recours contre la justice partiale et passionnée du patriciat : comme une sorte de tribunal de cassation, ils tenaient en bride l’arbitraire de la haute magistrature. Nul doute qu’en concédant aux plébéiens la rédaction du Code des lois, les patriciens n’aient exigé, en échange, l’abolition du tribunat, devenant désormais un rouage inutile ; et tout semble indiquer, entre les deux partis, l’existence d’une convention de ce genre. Comment les choses devaient-elles être réglées, après la publication du code ? nous ne le savons pas bien ; il se peut même que le compromis ne l’ait pas clairement précisé. Dans la pensée commune, je le suppose, les décemvirs devaient, à leur retour, proposer au peuple de renoncer à ses tribuns, remettant désormais aux consuls une compétence juridictionnelle, non plus comme autrefois, arbitraire, mais déterminée par la lettre de la loi écrite. Les lois des XII tables.Un tel plan, s’il a existé, était sage ; mais les esprits agités par la passion politique, accepteraient-ils cet arbitrage de paix ? Les décemvirs de l’an 451 av. J.-C.303, apportèrent leur projet de loi devant le peuple, qui le vota, et voulut qu’il fût gravé sur dix tables d’airain, puis attaché dans le Forum, à la tribune aux harangues, devant la curie. Toutefois, des additions paraissant nécessaires, dix autres décemvirs furent élus pour l’an 450 av. J.-C.304, lesquels devaient compléter la loi en rédigeant deux tables supplémentaires. Ainsi fut promulguée la loi fameuse des XII Tables, le premier et l’unique code de Rome. Issue, comme on voit, d’une transaction entre les deux partis, elle n’apportait pas, dans le droit