Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 2.djvu/51

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
47
LE TRIBUNAT DU PEUPLE

dehors, au besoin même le poignard du meurtrier. On en vint bientôt aux combats dans la rue, aux attaques directes contre les personnes des hauts magistrats. La tradition rapporte que des familles entières quittèrent alors la ville et allèrent chercher une plus paisible existence dans les États voisins. Je suis tenté d’en croire la tradition. Il fallait, en effet, de grandes vertus civiques aux Romains, non pas pour s’être donné une pareille constitution, mais pour la supporter sans se dissoudre, et pour traverser, sans y périr, les plus terribles convulsions. Un épisode fameux de ces temps est l’orageuse vie de Coriolan. Caius Marcius, le plus brave parmi les hommes de la noblesse, et surnommé Coriolan, parce qu’il avait pris la ville de Corioles[1]. En 491 av. J.-C.263, mécontent de l’échec de sa candidature pour le consulat, dans les comices des centuries, il aurait, dit-on, proposé de suspendre la vente des blés tirés des magasins de l’État, et d’arracher aux souffrances d’un peuple affamé sa renonciation à l’institution tribunitienne il aurait purement et simplement, suivant d’autres, demandé son abolition. Mis par les tribuns en accusation capitale, il aurait quitté la ville, pour revenir à la tête d’une armée volsque : mais au moment de conquérir sa patrie pour le compte de l’ennemi, sa conscience se serait émue devant les reproches de sa mère ; et, rachetant sa première trahison par une trahison nouvelle envers ses hôtes, il les aurait expiées toutes les deux en mourant. Cette histoire est-elle vraie ? je ne saurais l’affirmer : mais, quoi qu’il en soit, au milieu même des détails naïfs où se complaît la gloriole patriotique des annalistes de Rome, notre regard pénètre jusque dans le vif des plaies et des hontes de ces temps. Disons-en tout autant du récit de la prise du Capitole par une bande d’exilés politiques, sous la con-

  1. Coriola ou Corioli, au sud-ouest d’Albe la Longue, appartenant aux Volsques. — Nibby la place sur le Monte-Giove.