Page:Mommsen - Histoire romaine - Tome 2.djvu/50

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
46
LIVRE II, CHAP. II

tribunat n’a pas même eu le mérite qu’on lui concède. Les États italiques n’ont jamais connu ces tyrans (τύραννος, dans le sens grec) que l’on voit partout surgir au sein des cités helléniques. La raison en est claire : la tyrannie suit toujours les excès du suffrage universel : or, les Italiotes ont fermé plus longtemps qu’en Grèce l’entrée des assemblées civiques aux individus non assis sur le sol. À Rome aussi, le jour où les choses changèrent, la monarchie ne se fit pas attendre ; elle vint même, en s’appuyant sur le tribunat. Ne méconnaissons point, pourtant les services vrais qu’il a rendus : il a ouvert les voies légales à l’opposition : il a empêché le mal assez souvent ; mais alors même qu’il se montrait utile il était appliqué, à un tout autre usage que celui auquel ses fondateurs l’avaient destiné. L’entreprise était téméraire d’accorder le droit de véto aux chefs officiels de l’opposition, et de les faire assez forts pour qu’ils pussent l’exercer à outrance. De tels expédients sont dangereux : ils font sortir de ses gonds la constitution politique, traînant derrière elle comme avant, en dépit d’un vain palliatif, toutes les misères sociales qu’on avait voulu extirper.

Les factions continuent.La guerre civile ainsi organisée, suivit son cours. Les partis étaient en face les uns des autres, rangés en bataille, avec leurs chefs à leur tête. D’un côté, le peuple voulant l’amoindrissement du pouvoir consulaire et l’agrandissement de la puissance tribunitienne ; de l’autre, l’aristocratie visant à la ruine du tribunat : les plébéiens ayant pour armes l’insubordination légale, avec son impunité désormais assurée, le refus de l’appel militaire, les actions tendant à l’amende ou aux condamnations corporelles contre tout fonctionnaire coupable d’attentat aux droits des citoyens, ou tombé sous le coup de leur déplaisir : les nobles leur opposant la force qu’ils ont encore en main, les intelligences avec l’ennemi du