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LIVRE II, CHAP. II

(p. 40). Les consuls ont un pouvoir actif plus complet, les autres l’ont plus indéfini : le consul s’arrête devant le véto du tribun ; il est son justiciable : le tribun, au contraire, ne lui doit rien. Ainsi la puissance tribunitienne est l’image de la puissance consulaire ; elle est, de plus, sa contrepartie. La puissance consulaire est positive, celle des tribuns est négative. C’est pour cela que les consuls seuls sont magistrats, c’est-à-dire ayant le commandement ; c’est pour cela que, seuls, ils se montrent en public revêtus des insignes et du cortège qui siéent aux chefs de la cité. Les tribuns ne sont point magistrats : ils siègent sur un banc et non sur la chaise curule : ils n’ont ni licteurs, ni bande de pourpre à leur toge, ni insignes de magistrature ; ils n’ont enfin, dans le conseil de la cité (curia, sénat), ni place, ni vote. Institution singulière où le droit absolu du véto s’érige carrément en face du commandement illimité ; où, pour arriver à l’apaisement des haines intestines, les antagonismes des classes pauvres et des classes riches vont recevoir une organisation complète et tranchée.

Valeur politique de l’institution tribunitienne.Que pouvait-il sortir de là, si ce n’est la rupture de l’unité dans la cité, l’affaiblissement des magistratures exposées désormais à tous les caprices, à toutes les passions mobiles des représentants du contrôle officiel ? Sur un signe de l’un des chefs de l’opposition, élevé sur son trône populaire, la machine gouvernementale courait risque de se voir soudain arrêtée. La juridiction criminelle, attribuée désormais à tous ces fonctionnaires avec pouvoirs de mutuelle concurrence, n’allait-elle pas être repoussée par la loi elle-même loin des régions sereines du droit, et se voir portée dans l’arène de la politique où elle se corromprait à toujours ? Je veux bien que le tribunat, s’il n’a pas directement amené le nivellement ultérieur des ordres, ait été du moins une arme efficace dans les mains du peuple, lorsque, à peu de temps de là, il en