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LE TRIBUNAT DU PEUPLE

le législateur avait écarté autrefois le système des gages hypothécaires, et ordonné la transmission immédiate de la propriété aux mains du titulaire de la créance (I, p. 217). Son attente fut déçue, et les rigueurs du crédit personnel, utile et commode moyen en matière de commerce, précipitèrent les laboureurs dans l’abîme. Si la libre division des terres faisait naître nécessairement, et tout d’abord, les dangers d’un prolétariat rural obéré, la condition actuelle des paysans, écrasés d’impôts, dénués de toutes ressources, allait aussi s’aggravant chaque jour dans une proportion effrayante. La misère et le désespoir, tel était désormais le lot des classes moyennes des campagnes.

Les classes et les questions sociales.Les riches et les pauvres sont désormais en présence : leur lutte toutefois ne se confond en rien avec l’antagonisme que la constitution à créé entre les familles nobles et les plébéiens. Les patriciens sont riches et propriétaires pour la plupart ; mais il ne manque pas non plus, parmi les plébéiens, de familles riches et considérables. Le sénat, dès cette époque, compte aussi plus de moitié de ses membres qui ne sont que plébéiens ; mais comme il a attiré à lui la haute administration financière à l’exclusion même des magistratures patriciennes, on voit naturellement la classe riche profiter en masse des avantages matériels que la noblesse fait abusivement sortir de ses privilèges dans l’ordre politique ; et le mal descend d’autant plus pesant sur l’homme du peuple, qu’en entrant dans le sénat les personnages les plus habiles et les plus capables de conduire la résistance passent des rangs des opprimés dans les rangs des oppresseurs.

Mais leur excès même enlève toute chance de longue durée à ces privilèges nobiliaires. L’ordre noble se fût sans nul doute perpétué dans la possession des hautes charges, s’il avait su se gouverner lui-même et s’il s’était constitué le protecteur de la classe moyenne, ainsi que,