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LE TRIBUNAT DU PEUPLE

doute pour que l’usage cessât d’être un privilège, mais ne laissant pas que de verser un appoint considérable dans les caisses du trésor : cette redevance, les questeurs patriciens se montrèrent négligents ou inactifs à la lever, et peu à peu elle tomba en désuétude. Jadis et notamment quand la conquête donnait à l’État de nouveaux territoires, il en était fait une répartition régulière, à laquelle les pauvres citoyens, les simples domiciliés même se voyaient admis : on ne laissait en communaux que les terres impropres à la culture. Aujourd’hui l’on n’ose pas tout à fait encore supprimer les assignations, encore moins ne les composer que dans l’intérêt exclusif des riches ; mais elles deviennent plus rares, plus parcimonieuses : on les remplace par les occupations, régime déplorable, qui n’est ni la concession du domaine à titre de propriété, ni sa remise à bail avec terme préfixe, et qui, laissant la jouissance privative de la terre au premier occupant et à ses ayants-cause, maintient à l’État son droit de retrait arbitraire, et oblige le possesseur au payement envers le Trésor de la dixième gerbe ou de la cinquième partie des fruits en huile et en vin. C’est là, à vrai dire, l’application pure et simple au domaine public du précaire (precarium) dont nous avons déjà eu à parler (I, p. 257). Nous ne nions point que jadis, transition toute naturelle au système des assignations régulières, il ait été déjà pratiqué au cas actuel. Mais à dater du jour où nous sommes, les occupations n’eurent pas seulement pour elles l’avantage de la durée : les occupants, on s’en doute bien, furent tous, ou des privilégiés ou des favoris des privilégiés : enfin, et comme la redevance pour dépaissance, les taxes de la dîme et du quint cessèrent d’être exactement payées. Toutes ces innovations portèrent une triple atteinte à la propriété petite et moyenne : elle n’eut plus de part aux usages : les impôts s’accrurent et la chargèrent à